Peinture et peintres de Madagascar à travers l’exposition Madagasc’Art
Au mois de Novembre j'ai eu la chance de participer à une exposition collective Madagasc'art qui a eu lieu à Paris à la résidence de l'ambassade de Madagascar puis ensuite à la mairie du 16ème arrondissement.
Sur cette photo les six peintres présents. De gauche à droite Pascale coutoux, Taraoo Ranarison, Hobinjatovo Henintsoa,Dina Rabearivelo, AmirJ, Noro Rajaoson.
Je vais maintenant vous les présenter .
Taraoo Ranarison
Taraoo Ranarison est né en 1980.Il est autodidacte mais cependant a grandi sous l’aile de son père Joseph Ranarison artiste peintre lui aussi. Il travaille comme artiste professionnel depuis 20 ans. Il emploie le fusain, la pierre noire , le pastel sec;il fait de l’aquarelle , de la peinture à l’huile ainsi que de l’aérographe. Avec ces techniques il réalise des portraits et des oeuvres figuratives.Dernièrement l’acrylique le mène sur le chemin de l’art abstrait en simplifiant ses fonds colorés pour mieux mettre en valeur un motif figuratif.Par les techniques mixtes il se libère du réalisme et fait vibrer ses émotions, ressentir le mouvement, synchroniser les couleurs.Il aime sortir de l’ordinaire et faire preuve d’audace.
Dans ce tableau on voit que taroo se libère du réalisme pur par un fond abstrait qui met en valeur les personnages encore très figuratifs mais qui se floutent en allant vers le fond.
HobinjatovoHenintsoa
Hobinjatovo Henintsoa est né à Madagascar en 1986. Autodidacte dès son plus jeune âge il s’oriente vers la peinture à l’huile devenue sa spécialité.Parmi les divers styles qu’il a étudié le naturalisme attire son attention.La plupart de ses sujets, réalisés de mémoire racontent des scènes de vie et symbolisent la sagesse des ancêtres malgaches.Il réalise ses oeuvres avec son esprit, son coeur et son âme.
Ici on voit bien le travail des femmes dans les champs et les couleurs douces des hauts plateaux où les collines se teintent de mauve.Ces couleurs, celles de l’hémisphère sud sont différentes de celles qu’on peut trouver en europe car la lumière n’est pas la même.
les marmites où l’on cuit la nourriture longtemps à la campagne.
Les jacarandas fleurissent en octobre. La couleur mauve de leurs fleurs se mêle au mauve des collines.
Noro Rajaoson
Noro Vololona Rajaoson Feuvrier est franco-malgache.Elle vit en Bourgogne depuis le début de ses études post-bac. Elle est issue d’une famille de professeurs à l’université d’Antananarivo. De son enfance et de son adolescence à Antananarivo, Noro a gardé les souvenirs des couleurs vives du marché de la capitale. Au cours d’un voyage, sa rencontre avec un professeur d’art Didier Dessus lui a permis de s’initier à la peinture à l’huile.Elle a trouvé son identité dans l’utilisation de couleurs vives dans ses oeuvres, l’utilisation de formes géométriques abstraites dans lesquelles elle intègre plus ou moins dissimulés des symboles de son île natale Madagascar. Chaque tableau raconte une histoire à décrypter.
Dans ce tableau on retrouve des symboles de Madagascar: le valiha, instrument de musique très utilisé. Se noyer dans la musique toute la journée pour oublierles problèmes du quotidien. L’ aloalo qui est une sculpture souvent sur bois que l’on retrouve sur les tombeaux et qui marque le lien avec les ancêtres. Ce tableau est un souvenir du famadihana (retournement des morts) grande fête pour honorer les ancêtres.
Dans ce tableau on retrouve les souvenirs-symboles de Madagascar: le drapeau malgache,le zébu représenté par le fameux aloala et l’arbre du voyageur le ravinala auquel noro a dû tourner le dos quand elle a quitté son île.
Dans ce tableau on voit le baobab symbole de Madagascar et une fillette qui part en lui tournant le dos comme Noro l’a fait en quittant son pays d’origine.Ce tableau nous fait ressentir la souffrance de l’exil.
Amir J
Amir Andrianalitiana Juvara dit Amir est un artiste peintre résidant à Antananarivo la capitale de Madagascar. Il est né dans le nord en 1994 de parents mélomanes et musiciens qui lui ont transmis l’amour de l’art.En 2017 à l’université, il trouve sa voie à travers le dessin et la peinture. Il est surtout connu pour ses aquarelles. Amoureux du croquis il aime peindre la vie quotidienne des malgaches, sur fond blanc pour mieux mettre en valeur son sujet.Il s’est beaucoup inspiré dans ses dessins de l’auteur de BD DWA dont je vous parlerai aussi après. Il transcende par son art la misère qui l’entoure et qui le touche profondément. Ce qui l’attire ce sont les petites gens, les invisibles. Il montre à travers eux la beauté unique de Madagascar et de ses petites mains.
Un futur dans lequel optimisme et amour règnent au sein d’une population fière de son pays.
Ce tableau illustre la sécurité et l’accès à l’éducation, une première étape pour un bon développement du pays.
Dina Rabearivelo
Dina Rabearivelo est un artiste plasticien, peintre et poète Malgache, autodidacte, né en 1990. Issu d’une famille de musiciens il s’est plutôt tourné vers les arts visuels pour s’exprimer mais il a parfois recours à la littérature par des textes engagés. Le déclic fut les compliments au collège de ses camarades de classe et des profs. En 2007 il participe à sa 1ère exposition auprès des aînés Rambelo Rijas, Liva Rajaobelina, Ange. Ensuite s’ensuivent d’autres expositions personnelles nationales et internationales. Il ne s’inscrit dans aucun mouvement. Il a établi le lien de complémentarité entre l’écrit et le visuel.Il marie les textes de journaux et sa peinture pour partager ses valeurs et ses émotions.Il marie le papier journal et la peinture depuis une dizaine d’années mais c’est en 2018-2019 qu’à travers ses expos solos le concept de MEV (mariage écrit visuel) est dévoilé publiquement.
J’ai choisi ces deux portraits de femme pour illustrer le travail de Dina qui excelle dans ce genre. Le premier m’a touché par le regard de la jeune fille. Le deuxième par l’originalité du travail sur toile de jute. Ce sont des sacs qui servent à enballer la vanille. Si on s’approche du tableau on peut encore en sentir l’odeur.
Laila
Laila a commencé la peinture avec la naissance de sa fille Mulan en 2017.La maternité l’a tellement boulversée que tout son être se mua vers un appel auquel elle ne pouvait que répondre: peindre ce qu’elle éprouvait, ce qu’elle ressentait et voyait à travers sa fille.Avant de peindre Laila voulait être écrivaine.D’ailleurs elle a écrit un manuscrit parlant d’une femme peintre.Avec le recul elle s’est rendue compte qu’elle avait préécrit son histoire.Pour cette exposition elle a choisi de présenter un tableau principal suivi d’autres tableaux secondaires.
Dans ce tableau principal Laila a représenté sa fille Mulan posant la main sur un livre intitulé”Tanindrazako tsy atakaloko” “Tout commence par l’éducation et se termine par l’amour de la patrie”. Son objectif est de transmettre l’importance de l’éducation pour l’avenir d’un pays; ensuite l’éducation des jeunes filles pour des femmes patriotes indépendantes; et enfin l’amour inconditionnel qu’elle a pour son pays.
Laila n’a pas pu venir en france mais nous avons présenté ses tableaux.Ici, à gauche le Lémur catta priant pour son habitat, décimé par le feu.Ensuite Le tableau “les yeux fermés il peut tout voir” puis l’obscurité s’étend jusqu’à l’horizon, mais son coeur illumine son chemin. enfin le portrait de Laila qui n’a pas pu être prise en photo puisqu’ elle était absente.
Pascale Coutoux Rabesandratana
Pascale Coutoux Rabesandratana , est née en France en 1959 d’un père malgache et d’une mère française. Elle a grandi en banlieue parisienne sans connaître Madagascar sauf à travers les récits et souvenirs de son père. A l’époque pas de photos, pas d’internet, pas de télévision ni de reportages. Ces récits l’ont fait rêver. En 1980, , elle part découvrir ce pays en taxi brousse du nord au sud.Elle admire sa beauté mais découvre aussi la misère et la vie difficile.Puis le temps passe…
Elle y retourne 20 ans après pour découvrir l’est du pays. Elle n’a plus de famille connue et y va en touriste.
Puis 20 ans se passent encore et elle décide d’organiser un voyage avec son mari et son fils pour lui montrer ses origines. Elle choisit de retourner au pays des pêcheurs Vezo et dans le massif de l’Isalo qui l’avaient émerveillés à 20 ans. Elle choisit aussi d’aller vers de nouveaux sites récemment ouverts au tourisme: l’allée des baobabs près de Morondave, les tsinggy de behamara, le massif de l’Ankaratra où la randonnée et l’escalade commencent à se développer.
Etant artiste peintre, un besoin impérieux la pousse, à son retour, à représenter immédiatement les couleurs, la lumière, les paysages, les personnes qu’elle a rencontrées. C’est ainsi qu’une collection de tableaux est née, nourrie des nombreuses photos prises lors de son voyage.
Son message: faire passer la tendresse qu’elle a pour ce pays, montrer sa beauté mais aussi sa vulnérabilité.
Dans ces deux tableaux Pascale Coutoux met en valeur les femmes et jeunes filles malgaches qui travaillent avec tous les courages.Le 1er tableau est une mosaique de symboles avec une fillette du sud qui porte un lémurien rencontré à l’ouest et respire une fleur sur fond de papier antemoro des hauts plateaux agrémenté de collages de journaux malgaches relatant des faits divers difficiles. Tous les aspects de la grande île!
Les grands maîtres
Jean Andrianaivo Ravelona
Jean Andrianaivo Ravelona est un grand maître de la peinture malgache qui peint depuis plus de cinquante ans.Maintes fois primé et auteur de multiples expositions en France et à l’étranger il vit actuellement en France. Il a présenté ici un tableau représentant le palais de la reine à Antananarivo qui se détache d’un fond bleu nuit abstrait.Ce tableau symbole de l’histoire de Madagascar montre bien sa recherche picturale cherchant un équilibre entre l’abstrait et le figuratif et faisant naître de fonds abstraits propice à la rêverie des éléments très dessinés symboles de Madagascar..
Joseph Ramanakamonjy
Joseph Ramanakamongy est né entre 1897 et 1899, et est mort en 1984.C’est le fondateur de l’art mimétique malgache et le précurseur de l’aquarelle sur soie.Qu’est ce que l’art mimétique? Cet art se reflète par des scènes de la vie quotidienne comme des femmes qui repiquent le riz, les laboureurs,des zébus travaillant la rizière.Depuis ces sujets sont devenus des classiques de la peinture malgache. Ses chef d’oeuvres sont des symboles de son attachement profond à l’île rouge.
Quelle est sa trajectoire? Appartenant à la noblesse, il a eu la chance de suivre des cours d’art plastique dès son enfance au palais. Ses professeurs étaient aussi d’illustres peintres: Stephan Rabotovao aquarelliste et peintre à l’huile, Antoine Ratrena portraitiste. A 10 ans c’était déjà un enfant prodige.En 1931 il participe à l’exposition coloniale de Paris.Il a suivi des cours aux beaux arts de Paris. Ensuite il a participé à de nombreuses expositions en métropole , dans les îles voisines: La Réunion et l’île Maurice . Il a été de nombreuses fois primé. Il a porté le naturalisme à un niveau supérieur en faisant ressortir sur la toile l’âme des sujets qu’il peint.Son oeuvre restera à jamais l’expression de la volonté de toute une nation de rester elle même.Son originalité résidait dans la recherche et dans le respect de l’identité du peuple Malgache en période coloniale.
Dans ce tableau Joseph Ramanakamongy a peint une scène typique de la vie quotidienne des malgaches lors de la fête du retournement des morts. Tous les 7 ans environ les morts sont sortis de leur tombeau, on sort les linceuls, on les change.Les malgaches accordent beaucoup d’importance au bien être des morts.C’est une manière de les honorer et d’avoir leur protection.Cette cérémonie est joyeuse et donne lieu à des danses qui sont représentées ici.
Rajesy
Rajesy est un peintre qui a vécu à la fin du 19ème siècle, début du 20ème siècle.(1860-1929)
Il est connu pour ses peintures de scènes paysannes.Ses tableaux sont difficiles à trouver car ils se font rares et ont acquis de la valeur.
Et la BD?
Je vais vous parler ici d’un peintre illustrateur qui n’était pas présent à cette exposition mais a inspiré et inspire les jeunes peintres malgaches dont Amir que je vous ai présenté.
Moi aussi j’ai eu la chance de rencontrer à Paris cet auteur de BD, de lui acheter sa première BD Back to Al Bak dans laquelle il raconte son voyage-pèlerinage dans le village de son enfance. Je lui ai aussi acheté un carnet de voyage qu’il fabrique lui même avec du cuir de récupération et du papier aquarelle.
Son nom: DWA
Ci-dessus un extrait de la BD de DWA Back to al Bak et le carnet de voyage en cuir que je lui ai acheté et qui m’a servi lors de mon voyage à Madagascar en 2019.Voici le lien vers l’article de blog qui présente ce carnet de voyage:
Si vous voulez voir tous mes tableaux de Madagascar voici le lien: